HISTOIRE - Tsushima, c’était chez moi…

C’est là que j’ai grandi… Mais la guerre et les démons ont détruit mon foyer…
Petite, j’aimais arpenter la plage de Komoda avec père et Saki, ma sœur cadette. Nous ramassions des coquillages tout en honorant nos ancêtres tombés face aux envahisseurs Mongols.
Père, Isao Kuroe, était prêtre dans le village d'Ômi, une figure respectée qui guidait notre communauté dans la voie du shintoïsme.

Mon éducation était imprégnée de traditions, de rituels sacrés et d'un profond respect pour les kami.
Dès mon plus jeune âge, je me destinai à devenir miko, prêtresse shinto. Père m'enseigna les subtilités des cérémonies, la signification des amulettes, et l'importance de maintenir l'équilibre entre le monde des esprits et celui des humains.

Mère, Inoue Kuroe, était une guérisseuse, tout comme ma grand-mère avant elle. Ma génitrice m’a aussi transmis ses connaissances en médecine. Dès mon plus jeune âge, elle me faisait part de son savoir ancestral sur les herbes médicinales, les rituels de guérison, et la connexion intime entre le corps et l'esprit.

Notre foyer était empreint d'une aura apaisante, où les arômes d'herbes médicinales se mêlaient aux chants de guérison. Les villageois venaient de loin pour bénéficier des compétences de ma mère, et j'observais attentivement chaque geste, chaque formule murmurée, afin d'absorber ces connaissances précieuses.

Mère était un pilier de soutien pour notre communauté, ses mains délicates soignant les maux physiques, tandis que son cœur bienveillant guérissait les âmes tourmentées.
À dix ans, je fus officiellement consacrée miko.

Ma vie était dédiée aux kami, à l’entretien et la protection du temple de notre village, de la divination et à la perpétuation des enseignements ancestraux. Saki, ma douce sœur, partageait mon engagement, et ensemble, nous accomplissions nos devoirs sacrés.

Les jours s'écoulaient paisiblement sur Tsushima, mais les vents du changement se levaient.
L'ère Sengoku engloutissait le Japon dans les affres de la guerre. Des clans se disputaient le contrôle du pays, plongeant notre nation dans un tourbillon de violence et d'incertitude.

Mon père et d'autres hommes du village furent appelés à prendre les armes pour défendre Tsushima contre les envahisseurs. J'entendis leurs serments solennels à l'autel des kami, et la lueur de la bataille brillait dans leurs yeux.

Mère, en tant que guérisseuse, était sollicitée davantage. Les blessés des champs de bataille et les victimes des attaques démoniaques cherchaient ses soins. Elle accueillait chacun avec compassion, apportant réconfort et guérison autant que possible.

Ma mission, en tant que miko, était de soutenir la communauté dans ces temps sombres. Je faisais des cérémonies et aidais mère à soigner les blessés venant dans nos contrées.
Les années passèrent, laissant derrière elles le souvenir des champs de bataille et des hommes tombés. À dix-sept ans, j'étais devenue une jeune femme, forte de mes convictions et de mon rôle de prêtresse et de guérisseuse.

Saki, elle, était une jeune miko en herbe, suivant mes pas. Une relation complice nous liait elle et moi. Nous étions inséparable, l’une pouvait constamment compter sur l’autre dans ces temps difficiles.
Cependant, la paix fragile de notre vie quotidienne fut brisée lorsque des rumeurs de démons commencèrent à circuler. Des créatures surnaturelles hantaient les terres, semant la terreur parmi les villages. Saki et moi, malgré nos devoirs sacrés, étions souvent appelées à apaiser les esprits troublés.

Puis vint la nuit sanglante.

La nuit enveloppait le temple de son manteau sombre, seul le clair de lune caressait les toits en tuiles. Moi, fidèle à ma tâche de gardienne du temple, je déambulais silencieusement à travers les allées de lanternes éclairant faiblement les lieux sacrés. Les murmures du vent semblaient danser dans l'air, créant une atmosphère à la fois apaisante et solennelle.

Le calme de la nuit fut soudainement rompu par des cris stridents provenant du village en contrebas. Je m’étais se figée, mon cœur battant rapidement en résonance avec les hurlements discordants. Je ne pouvais ignorer l'appel à l'aide qui résonnait dans l'obscurité.
Sans perdre un instant, je me suis mise à courir vers le village, mon kimono blanc flottant derrière moi comme un spectre dans l'obscurité. Chaque pas résonnait dans le silence de la nuit, mêlant l'écho de mes pas à l'éclat des étoiles.

Arrivée au village, je fus accueillie par une scène d'horreur indescriptible. Les maisons étaient plongées dans l'ombre de la terreur, et des flammes vacillantes dansaient dans les ruelles.
Mais ce qui saisit le cœur de la jeune prêtresse que j’étais fut la vision de ma sœur, Saki, en train de dévorer le forgeron local. Les yeux de Saki, autrefois empreints d'innocence, brillaient désormais d'une lueur orange démoniaque.

L'effroi me paralysa sur place, tandis que des larmes silencieuses coulaient sur mes joues. La trahison de la réalité était trop grande, un cauchemar éveillé qui se déroulait sous mes yeux. Sans réfléchir, je reculais en arrière, mes pas maladroits heurtant le sol pavé.

Soudain, Saki releva la tête, ses yeux croisant les miens. Un frisson glacial me parcourut l'échine alors que ma sœur se lançait dans sa direction, émettant des grognements bestiaux.

Prenant une inspiration rapide, je me suis ruée vers le temple, espérant trouver refuge dans les sanctuaires sacrés. Les cris de Saki résonnaient dans l'air, me poursuivant comme une ombre maléfique.

J’ai alors poussé la lourde porte du temple, espérant trouver la sécurité derrière ces murs sacrés.
La tranquillité du temple contrastait violemment avec le tumulte extérieur.
J’observais, impuissante, à travers les interstices des portes, ma sœur se rapprochant dangereusement. Les murs du temple semblaient offrir une mince barrière entre moi et le monstre que ma sœur était devenue.

Les portes du temple volèrent en éclats, révélant la silhouette démoniaque de Saki. Ses yeux, luisaient maintenant d'une lueur dérangeante tandis qu’elle s’approchait de moi… Puis, une femme en uniforme noir apparu derrière elle, lui tranchant un bras.

Une pourfendeuse se dressait là, prêt à affronter le mal qui s'avançait.
La créature démoniaque émit un grognement guttural, déclenchant une gerbe de feu qui s'élança vers la pourfendeuse.
Le démon cracha les flammes avec une intensité terrifiante, créant une lumière éblouissante dans la nuit.

Le guerrière agile esquiva habilement la majeure partie des flammes, tournant autour de Saki qui continuait de cracher son souffle incendiaire…
Malheureusement, je fus atteinte par une gerbe de flamme que j’évitais qu’en partie, laissant une cicatrice de brûlure sur mon visage.

Le combat s'ensuivit dans une chorégraphie mortelle. La pourfendeuse maniait son arme avec agilité, esquivant les assauts féroces de Saki. Chaque coup porté visait à trancher le cou du démon.
Saki, mue par une force surhumaine, se déplaçait avec une agilité déconcertante. Elle attaquait avec une férocité animale, tentant de déchiqueter son adversaire.

Cependant, la détermination dans les yeux de la femme ne vacillait pas. On dirait qu’elle avait juré de protéger cet endroit sacré et, par extension, ma vie.

Le son du métal s'entrechoquant emplissait l'air tandis que l'épée de la pourfendeuse et les griffes de Saki se heurtaient dans une danse mortelle. Les flammes qui consumaient son être semblaient lui conférer une puissance surnaturelle, mais la guerrière restait maître de la situation.

Dans un moment de faiblesse, la bretteuse parvint à infliger une blessure presque mortelle à Saki. Cependant, la créature répliqua avec une force redoublée, repoussant le guerrier en arrière. Le choc laissa l'humaine désarmé, son épée tombant au sol. Saki allait lui arracher le visage.

C'est à ce moment critique que je suis intervenue… Sans réfléchir, j’ai ramassé le sabre en acier solaire tombé et le brandit avec une détermination farouche. La lame étincelait sous la lueur des flammes qui consumaient les lieux.

La confrontation atteignit son paroxysme lorsque, les yeux embués de larmes, j’engageais l'épée de pourfendeur contre ma propre sœur. La lame fendit l'air, tranchant à travers la chair avec une précision déchirante. Un cri strident résonna dans la nuit, mêlant la douleur et la libération.

Saki, désormais dépourvue de tête, et donc de sa force démoniaque, tomba au sol. La lumière des flammes s'éteignit dans ses yeux.

J’étais là, tenant toujours l'épée maculée de sang, restant immobile devant le corps inerte de ma sœur. Le poids de la perte et de la culpabilité reposait lourdement sur mes épaules.
La guerrière, bien que blessée, se releva pour me rejoindre. Son regard exprimait une compassion profonde pour la pitoyable jeune femme qui avait dû, de ses propres mains, mettre fin à la vie de sa sœur qu’elle avait juré de protéger.

Bien que pleurant toutes les larmes de mon corps, j’ai soigné la guerrière du mieux que je pus, lui sauvant la vie selon ses dires. Après deux jours de repos, la femme me proposa de la rejoindre dans un endroit secret où mes talents pourraient être utile.

Aujourd’hui, j’ai 24 ans, je me tiens devant le temple du village des forgerons, hantée par la tragédie qui a touché ma sœur. Mes journées se déroulent entre les soins aux pourfendeurs blessés et l’entretien du temple sacré. Le souvenir des flammes dévorantes qui ont transformé Saki est éteint, mais son impact continue de laisser des cicatrices profondes dans ma mémoire.

Chaque pourfendeur que je soigne devient une promesse personnelle de lutte contre les démons, de trouver un remède, une guérison à leur affliction. Le temple est mon sanctuaire, où je prie pour la paix et la rédemption, consacrant des heures à étudier les anciens textes, et les démons, désespérément à la recherche d'une solution.

L'autel du temple est le témoin silencieux de mes prières ferventes et mes expériences.
J'invoque les kami, les implorant de m'aider dans ma quête. Des prières sincères s'élèvent, dans l'espoir qu'une réponse éclairée me parvienne de quelque part dans l'univers vaste et mystérieux.
Pourtant, chaque jour, je suis rappelée à la réalité brutale de la vie des pourfendeurs. Des guerriers blessés, le corps et l'âme marqués par les démons, viennent chercher refuge dans le temple. Je m'efforce de les guérir du mieux que je peux, utilisant mes connaissances médicales et spirituelles pour apaiser leurs douleurs.

Les pourfendeurs reconnaissants me considèrent comme une alliée précieuse dans leur lutte contre les forces obscures. Je leur offre un réconfort spirituel, une lueur d'espoir dans les ténèbres de leur guerre incessante.

Pourtant, malgré mes efforts inlassables, je ressens le poids de l'impuissance. La solution que je recherche reste insaisissable, cachée dans les mystères du monde spirituel. Je me promets de poursuivre ma quête, quels que soient les sacrifices que je devrai consentir.
Les nuits sont les plus difficiles. Contemplant les étoiles, je cherche des réponses dans le ciel silencieux. Mes pensées s'envolent vers ma sœur disparue, espérant trouver un moyen de la libérer de l'emprise démoniaque qui l'a consumée.

Ma quête pour un remède contre les démons devient un voyage spirituel et existentiel. Je me demande quel sera le prix à payer pour une telle connaissance, prête à sacrifier ma propre tranquillité d'esprit pour le bien des autres. Dans l'ombre du temple, je continue à prier, à chercher, à espérer que le jour viendra où je pourrai accomplir ce miracle tant désiré.

La cicatrice brûlante sur mon visage témoignait de la bataille acharnée que j’avais menée, une marque indélébile de la tragédie qui avait frappé mon foyer.


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