monstre et compagnie • FT. Eleonore

Un jeune démon croupissait dans le donjon du magicien depuis quelques nuits maintenant. Des chaînes faites d'acier nichirin entravaient ses mouvements, l'empêchant de fuir cet enfer. De toute façon, lorsqu'il partageait ce genre de moments avec les démons, il ne s'absentait jamais. Ainsi, ces créatures ne pouvaient même pas s'autoriser a rêvasser une échappatoire chimérique. Elles étaient en permanence sous la surveillance d'Haiko qui avait un regard de glace, ne laissant transparaître aucune once d'empathie, ni même d'une quelconque émotion. Il n'exprimait rien, ne révélant qu'une sévère froideur. Un regard qui se planta dans celui du démon, lui provoquant un frisson à l'échine. Le pilier de la brume ne ressentait que du dégoût pour cet être abject. Sa proie était toute jeune, il l'avait repêché dans l'obscurité d'une ruelle. Si jeune, qu'en réalité, elle avait terminé sa transformation démoniaque entre ces murs. Cela avait déjà commencé lorsque le magicien était tombé dessus, par hasard. Sa proie était allongée sur le sol crasseux d'une ruelle. Parmi quelques débris de verre, elle hurlait sa souffrance, appelant à l'aide.

Curieux, Haiko s'était approché. Le teint blême de cet inconnu était marqué, lui donnant l'allure d'un macchabée. Sur cette peau, de larges veines d'un pourpre noircit sillonnaient son corps. La sclère de ses yeux était devenue aussi sombre que les ténèbres enveloppant cette ruelle reculée de Kyoto. Haiko n'était pas dupe, comprenant rapidement le mal qui rongeait cet homme. Le magicien s'était alors présenter à lui comme un ami, lui promettant qu'il allait le délivrer de sa souffrance. Il l'avait rassuré, lui disant qu'il était un magicien de renom capable de nombreux miracles. C'est ainsi que cet être dépravé, s'étant soumis au mal, termina entre quatre murs teintés de son sang.

Haiko s'était montré particulièrement impatient avec lui, profitant de la souffrance apportée par sa transformation pour rendre ses supplices d'autant plus insupportables. Le jeune démon était dans un état lamentable, épuisé des flagellations s'éternisant. Chaque coup de fouet était des griffes qui se plantaient profondément dans sa chair, formant de larges tranchées sanguinolentes après leurs passages. Le pilier, dans sa haine, était infatigable. Il ne faiblissait pas, donnant ses coups avec de plus en plus de hargne. Finalement, le magicien s'assit en faisant face au démon, le dos contre le mur. Il déposa son fouet au sol, scrutant sa proie d'un regard mêlant sa perversion à la haine qu'il éprouvait pour cette ordure. Il était suffisamment éloigné pour avoir l'esprit tranquille.

Le démon n'avait même plus la force de tirer sur ses chaînes. Haiko possédait plusieurs griffes en acier nichirin déposées au creux de sa main, celles-ci n'étaient pas reliée à son chat à neuf queues. Le magicien avait prit l'habitude de toujours commander quelques griffes supplémentaires, il s'en chargeait lorsqu'il allait voir le forgeron. Cela s'était souvent révélé pratique, lui permettant de réparer son fouet au besoin, lorsqu'il n'en détournait pas l'usage. « Dis moi ce qui t'effraies tant. » Son intonation était calme, bien qu'ironique. Il affichait un mince sourire aux coins des lèvres qui le trahissait, révélant un profond sarcasme.

Peu de temps avant, Haiko avait cherché a lui faire bouffer ses griffes. Le magicien laissa échapper un léger ricanement moqueur. De sa main, il secouait les griffes qui, en se percutant entre-elles, provoquaient un doux et mélodieux tintillement. Le son du métal avait un petit quelque chose de reposant. « Je vais te montrer que tu n'as nulles raisons d'avoir peur. » Il se releva d'un bond et sans l'ombre d'une hésitation, il lança une de ses griffes en l'air avant de l'avaler. Du moins, c'est ce qu'il semblait avoir fait. Le magicien ouvrit grand sa bouche, démontrant au démon que sa griffe de métal avait disparue. Un tour classique, mais dont le secret était bien gardé depuis des années dans le secteur de la magie. « Plutôt crever que d'avaler tes foutues lames ! » Crachait-il à la gueule du magicien qui s'en amusait, peu impressionné par ce maigre venin.

« Oh, mais je ne te laisses pas le choix. » Haiko se saisit de son katana, tranchant net à l'horizontal. La coupure forma un large sourire d'ange au démon, permettant au magicien de faire passer ses griffes en acier nichirin. Peu après, la chaire de la bête se reforma sans mal. Malgré ses réticences, la proie n'avait eu d'autres choix que de répondre aux exigences du magicien. Le démon eu une sorte de râle étouffé, quelques pointes métalliques ressortaient de sa gorge. Peu après, Haiko perçut le son de la trappe qui s'ouvrit. Il pensa premièrement au tavernier, mais ce ne fut pas sa silhouette qui se dessina aux lueurs des quelques cierges présents.

* Fait chier ! * Pensa le magicien. Méfiant, il s'était déjà armé de son katana. Dans l'obscurité de ces lieux forts étroits, il discernait un long manteau, originaire d'Europe au vu de la coupe. « Mes salutations, je me nomme Éléonore Maijala, pilier de la lumière fraîchement nommée. Vous êtes bien Haiko Jäger. » Cette politesse dont elle faisait preuve l'étonnait, en plus d'entendre de l'allemand sortir de sa bouche. Cela faisait bien longtemps qu'il ne pouvait plus parler dans sa langue natale, bien qu'il continuait de penser - et d'insulter - en allemand. Sur l'instant, il ne sut quoi répondre. Il se contenta d'un seul mot pour réponse.  « Ja. » Il ne s'attendait pas a une telle visite et était encore quelque peu perturbé par le comportement de cette étrangère. « S’il vous plaît il... » Le démon peinait a s'exprimer, recrachant du sang a chaque mot prononcé. Parler lui demandait un effort considérable, ses cordes vocales vibraient, faisant bouger les griffes qu'il avait dans l'œsophage. Haiko posa son regard sur le fourreau d'Eleonore, il pressenti le coup arriver et se décala suffisamment pour ne pas être atteint. La gueule du jeune démon tomba. Il peinait visiblement a se régénérer, la faute au magicien qui l'avait déjà bien usé.

«  La ferme, ce n’est pas à toi que je m’adresse. » Eleonore s'adressa ensuite à Haiko. « Puis-je connaître l’activé à laquelle vous vous abandonnez ainsi que sa raison ? » Le magicien détourna son regard vers le démon qui se situait derrière lui, sa mâchoire se reconstituait lentement. C'était pathétique ! Son mépris se lisait aisément dans ses yeux d'or. « Ça me semble plutôt évident... » Son allemand, bien que peu pratiqué depuis un bail, lui revint naturellement. Il fallait croire que se forcer à penser dans sa langue maternelle s'était avérer efficace finalement. « Je lui fais expier ses fautes de démon. J'ai aussi essayé de lui enseigner un tour de magie, mais il s'est révélé trop bête pour l'exécuter. » Haiko n'était vêtu qu'avec le bas d'un jinbei couvert de sang. Il avait prit l'habitude de n'être que peu habillé lorsqu'il laissait sa cruauté s'exprimer. Nettoyer le sang, surtout sur des habits blancs, c'était une galère dont il pouvait bien se passer.

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Poliment, elle demanda une démonstration du tour de magie. Haiko haussa les épaules avant de lancer une griffe de nichirin en l'air et de l'avaler. Tout comme il l'avait fait avec le démon peu avant la venue d'Eleonore. « J’aimerais lui demander à ma façon, si vous le permettez.  » Le magicien haussa les épaules, donnant son accord indirectement. La pourfendeuse dégaina son arme, un sourire sadique accroché à la gueule. Sur sa lame dansaient des scintillements ocrés, permettant au magicien de deviner son affiliation pour le souffle de la foudre. Elle planta le démon au niveau du genou avant de procéder à son interrogatoire. Le magicien avait un peu de mal à la comprendre. Que voulait-elle savoir de cet être abject ? Les questions qu'elle posait au démon n'avaient pas le moindre sens pour Haiko, bien qu'il les comprenait. Pourquoi vouloir savoir s'il avait souhaité sa transformation ? Pourquoi vouloir savoir s'il avait déjà consommé de la chair humaine ? Ça le perturbait de ne pas comprendre ou alors était-ce Eleonore qui le perturbait ainsi ? Il n'imaginait pas la voir participer aussi activement à ce petit jeu. 

Elle était arrivée comme si de rien était, se prêtant à la dégradation de ce démon. Tout comme le pilier de la brume, elle avait la cruauté dans le sang. Ce qui n'était pas déplaisant pour le magicien, ravi d'accueillir un pilier de plus au sein de l'ordre. C'était même rassurant de savoir qu'avec elle, les démons allaient pouvoir avoir un aperçu de ce qu'était l'enfer. Lorsqu'Haiko voyait les crimes commis par les démons, il ne souhaitait que leur rendre les souffrances qu'ils avaient provoqués, mais au centuple. Tel était le seul châtiment qu'ils méritaient. Le magicien se dirigea vers un coin de la pièce et s'adossa contre le mur, se laissant glisser lentement jusqu'à s'asseoir sur le sol. Il était silencieux, laissant Eleonore gérer son interrogatoire comme elle le souhaitait. Sur son visage, se lisait un effroyable sourire, il ne perdait pas une miette de ce spectacle ponctué de nombreux râles criant de souffrance. 

Elle n'était pas tendre avec le nouveau-né, bien qu'il ne recevait qu'un juste châtiment. « Vois-tu pécore. Si tu ici c’est pour alléger ta sentence avant de faire face au seigneur et à son jugement. » Haiko ne put s'empêcher d'émettre un léger ricanement. Comme si les démons étaient jugés ! À leur mort, ils allaient droit vers les profondeurs de la Terre, mais certainement pas vers les cieux. Malgré son rictus narquois, il gardait sagement ses commentaires pour lui. « Vous savez ce qui est triste ou drôle dans ton ça ? Je suis convaincu qu’il dit vrai lorsqu’il n’a pas eu le temps. En revanche pour son désir de devenir démon, je ne suis point convaincu de la véracité de ses propos. J’imagine qu’il en de même pour votre personnage, monsieur Jäger.  » Le magicien écoutait à moitié, il n'avait que faire du démon. 

Il le voyait tel le misérable qu'il était, prêt à se donner aux démons pour se repaître de ce qu'il fut autrefois : humain. « Tu peux m'appeler Haiko. Vois-tu, j'ai beau avoir vécu ici plus d'une dizaine d'années, les formalités japonaises me sont toujours inconnues. Puis... on est collègue maintenant. À ce propos, qu'est-ce qui t'as amené ici ? » Il n'était pas d'humeur à répondre, préférant esquiver habilement. Il ne se voyait pas avouer avoir profité de l'état de faiblesse que provoquait la transformation démoniaque. Le démon pouvait le crier tant qu'il le voulait, essayer de se défendre au mieux, mais il était peu probable d'être écouté. En ces lieux, il n'y avait que la parole du magicien qui comptait. « Vous avez déjà vu un démon se désagréger de lui-même faute de sang ? En tout honnête, j’ignore si c’est réalisable. Enfin, sinon vous avez d’autres idées pour expier ses fautes ? Depuis combien de temps vous venez en aide à ces démons ainsi.  » Elle se foutait de sa gueule, le magicien ne manqua pas de remarquer les fossettes s'étant formées sur ses joues. 

Haiko n'avait qu'un regard blasé. « Tu veux dire le séquestrer ? Tu peux dire les termes avec moi, je suis bien conscient de ce que je fais. 48 heures peut-être... le concernant en tout cas. 48 foutues heures que je ne dors pas, que je ne mange pas, que je ne bois pas, tout ça pour sa gueule. » En disant cela, il s'était rapproché de son captif, le pas lent. Haiko était d'un calme glaçant malgré ses yeux brillants de rage. « Sa régen' est tellement éclatée qu'on pourrait le dépecer ou le flageller que cela lui serait fatal. Quand on subit le knute, une centaine de coups équivaut à la peine de mort, bien qu'une vingtaine suffisent à tuer un homme. On parie sur le nombre qu'il arrivera à supporter avant de flancher ? » Il avait pris soin de parler en japonais pour que le démon comprenne, il lui avait cependant caché le fait qu'il parlait de flagellation, utilisant le mot allemand pour tourmenter son captif. Le magicien laissait cependant le choix sur la marche à suivre à Eleonore. Il ne faisait que proposer des idées pour qu'en finalité, le démon se désagrège de son sang. Il y avait plusieurs méthodes pour se faire et Haiko était toute ouïe sur les idées de sa congénère. 

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« Quarante-huit heures sans prendre de pause ? Voilà une énergie qui fait plaisir à voir, mais d’où provient la source ? » Le magicien hocha la tête à cette curieuse question. « J'ai toujours été acharné dans mon travail. » Il venait de répondre sans grande conviction, bien que ça soit la vérité. Se montrer aussi acharné que lui, c'était toucher les démons sur le plan psychologique et ce n'était pas déplaisant. « Je n’ai point d’expérience en la matière, mais à premier vu je dirais une centaine ou deux cents. Cependant, j’aimerais tester une autre forme de mise à mort. » Haiko joignit ses mains ensemble, l'air pensif. 100 correspondaient à une mise à mort, bien qu'une vingtaine de coups francs avec un chat à 9 queues suffisaient pour un humain lambda. En étant optimiste, un misérable nouveau-né pourrait en supporter une cinquantaine. « 50 avant que je ne le mette à terre ! » Énonça-t-il, en japonais, tout sourire. 

« Petit cours d’histoire rapide. Chez les Scandinaves il existe un supplice nommé l’aigle de sang. Bien qu’on ne soit pas encore bien informé sur sa pratique. Le supplice consiste à inciser le dos du condamné, séparer les côtes de la colonne vertébrale puis à les déployer comme les ailes d’un aigle, ce qui a pour effet de faire sortir les poumons de la poitrine. Il paraît que les guerriers qui succombait à l’aigle de sang, sans pousser le moindre cri allez dans le valhalla. » 

Alors, ce n'était sûrement pas ce démon qui allait pouvoir rejoindre les cieux. Haiko se souvint de la torture décrite par Eleonore, il avait déjà vu un homme se faire exécuter de la sorte au Saint Empire Germanique, sans savoir le nom de cette méthode d'exécution. « À mes 15 ans, quand j'ai commencé à tuer, on m'a fait assisté à cette mise à mort. Ce n'était qu'un test pour savoir ce que je pouvais endurer... et moi, j'avais juste l'impression d'être a un anniversaire. » Il disait cela, confiant, les mains dans les poches et un regard blasé. Eleonore ne valait pas mieux que lui question empathie, ce qui expliquait l'attitude si désinhibée qu'il adoptait. « Pitié, tuer moi rapidement. » 

« Si on le voulait, tu serais déjà mort et tu vas finir par trépasser. L’ami présent lui a un désir ardent de te faire souffrir et je gagerais ma tête que s’il en avait la possibilité cela durait pour l’éternité. Quant à moi, c’est pour mon plaisir personnel, bien que cela me permette d’en apprendre plus sur les limites des démons. » Les plaintes du magicien ne manquèrent pas de se faire entendre. « Oh par pitié, non ! Moi et lui, pour l'éternité ? Il en est hors de question ! Je me réserve déjà pour un autre démon. » Eleonore pouvait l'interpréter comme elle le souhaitait, ça ne préoccupait aucunement le magicien. « Que souhaitez-vous Haiko ? Voir l’aigle de sang en premier et attendre pour infliger le knute ou dans l’autre sens ? » 

S'il fallait que le tout jeune démon se régénère de ces atrocités, ils allaient en avoir pour un sacré moment. Une très longue période où se jouerait une macabre mélodie d'intenses hurlements, des heures durant entre les murs de ce donjon étroit. Les effluves de sang, l'odeur de la putréfaction provenant du démon, tout cela devenait asphyxiant pour le magicien. Sa gêne, il la dissimula derrière son éternel sourire narquois qu'il adressait au pilier. « Vous vous trouvez honorables, ainsi ? Deux foutus piliers pour un nouveau-né... quelle foutue blague ! » La créature était visiblement à bout de force, elle s'affalait sous son propre poids. Seules les chaînes à ses poignets le retenaient, l'aidant à se maintenir debout. 

Là où le métal encerclait sa peau, sa chair était à vif. Ses bracelets de nichirin s'enfoncèrent de plus en plus profondément, lentement. Haiko s'approcha pour se tenir aux côtés du démon, son visage proche de son captif. Le démon avait le regard rivé sur les veines jonchant le cou du magicien, mais la peur le paralysait. Il n'osait pas s'attaquer à ce foutu clown qui le terrorisait depuis 48 longues heures, pourtant l'envie de lui mordre la gorge ne manquait pas. « Heyyy, mais c'est qu'il a pas tort notre ami ! » Haiko venait de le désigner du doigt, un large sourire accroché à la gueule. « Il est même dans la plus limpide des vérités ! Alors, que propose-tu démon ? » Le cœur du jeune captif s'emballa, pensant naïvement qu'il aurait droit à la clémence s'il se montrait suffisamment convaincant. 

« Laissez-moi partir et jamais je ne reviendrais ! Je ne mangerai aucun humain sur tout le Kansai, non plus ! » Haiko glissa sa main dans la poche de son jinbei avant d'en sortir une clef argentée. Il l'a suspendue au-dessus du nez du démon, la clef balançait de droite à gauche sur le doigt du pourfendeur souriant. « En vérité, je n'ai pas très envie d'être bercé par les atroces hurlements que provoque l'aigle de sang. Puis... Il a pas tort. Nous sommes pathétiques à user de chaînes alors qu'elles sont inutiles. » Les yeux d'or se plantèrent dans ceux du captif qui avait le regard suppliant. Le pourfendeur s'approcha davantage de sa proie, lorsque son visage fut proche du démon, il lui demanda d'un calme déconcertant. « Me mords pas et tu seras libre. » 

Il glissa la clef dans les bracelets de nichirin, libérant ainsi les deux poignets du démon. Haiko s'agenouilla devant la bête partiellement libre. Celle-ci était rongée par la honte, se sentant profondément humiliée. Le démon avait le regard fuyant, le fermant au bout de plusieurs secondes. Il ne pouvait supporter une telle position. Il avait les crocs serrés de rage, d'une haine viscérale et d'un besoin de sang insaisissable. Le magicien se retenait de rire, affichant un sourire qui s'étendait jusqu'à ses oreilles. Son regard ocre recherchait la lueur dans les yeux de son captif, mais celui-ci se retrouvait incapable d'observer la scène. 

S'il posait le regard sur son bourreau à genoux, faisant tomber les chaînes à ses chevilles dans un bruit assourdissant, il risquerait de le tuer en commençant par bouffer sa gorge. Peu importait d'être ensuite exécuté. Lorsque le dernier bracelet de métal fracassa le sol, le démon envoya un coup de pied dans cette gorge qui l'appelait tant. Il déguerpit ensuite du donjon en quelques instants, s'échappant enfin de cet enfer. Du moins, c'est ce qu'il avait pensé avant d'ouvrir la porte de la taverne, baignée par la lumière du jour. Il allait avoir du mal à s'échapper de cet enfer et Haiko en était parfaitement conscient, lui aussi. 

Le démon n'avait nul endroit où fuir, réussissant de justesse à esquiver la lumière du jour pour se réfugier dans la salle de spectacle, au sous-sol. Le magicien s'était relevé, une main posée sur sa gorge par réflexe. Il était visiblement amusé par la situation avec son mince sourire, son regard apaisé. Il avait la gueule d'un prédateur, trop confiant pour songer à ce que sa proie lui échappe. « On fait un jeu ? Toi, tu as ton katana pour l'aigle et me concernant, j'ai mon chat à 9 queues. » Ça ne pouvait être qu'amusant.

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« Entendu Haiko, mais permettre que je prenne un peu d’avance. Je veux le voir sombrer davantage dans le désespoir. » Eleonore s'étira un sourire déjà présent sur ses lèvres, contrastant avec le diable qui brûlait dans ses iris. « Et donc tu me laisserais le terminer ? C'est gentil ça. » Il avait sifflé cette phrase, rappelant le sifflement d'un serpent cherchant à se faire entendre. Sa joie s'exprimait à peine, par un maigre sourire seulement. La fatigue commençait à engourdir son corps. Ce n'était pas plus mal qu'Eleonore s'attelle à la tâche. 

Le magicien comptait bien prendre son temps, la régénération du démon le lui permettant. Sa consœur déguerpit du donjon à une vitesse surhumaine, ce qui fit bâiller Haiko. Il se mit à s'étirer, tendant les bras jusqu'au plafond. Il allait se faire attendre, ne voulant qu'arriver sur scène que lorsque le démon allait bercer le cirque de ses premiers hurlements. Ceux-ci se firent quelque peu attendre. Le magicien entendait Eleonore parler au malheureux démon, sans pouvoir distinguer ses réelles paroles. De toute façon, ça ne l'intéressait que peu. Le plancher craquelait sous les pas de sa consœur. Au début, le rythme de ses pas étaient calmes, presque feutrés et couverts par sa lourde épée qu'elle semblait traîner au sol. 

Rapidement, la situation sembla dégénérer en haut. Les premiers cris se changèrent en des hurlements trahissant une souffrance et un effroi indescriptible. D'un pas lent, les mains dans les poches, Haiko entreprit de s'engouffrer dans le sinistre couloir menant jusqu'à sa trappe. Il en sortit, étirant ses bras jusqu'au ciel. 

« Oh wow, putain de merde ! Je me souvenais pas que c'était aussi impressionnant, bien que sa nature de démon l'aide indéniablement à rendre ça tout simplement spectaculaire ! Il y a pas à dire, c'est bien mieux qu'avec de misérables civils. » La scène s'offrant à lui était assez époustouflante. C'était bien le mot à dire avec les poumons extraits et encore battants du démon. Son captif était dans un état si pitoyable que ça en était gênant. Une gêne qui régalait le magicien. Il sautillait de joie, s'approchant jusqu'au démon, genoux à terre et les côtes retournées.  « Ses poumons extraits et pourtant, battant, c'est fascinant. » Haiko saisit le démon par les cheveux, les tirant de sorte à ce que son captif croise son regard assassin. « Par contre, je ne crains me faire attendre encore un peu, parce que là... J'aurais peur de le tuer d'une seule flagellation ! » Il ricana pleinement, se moquant ouvertement du misérable.  « Je vais plutôt me chopper une bière, le temps qu'il se répare un peu. » Le magicien quitta les lieux, grimpant les escaliers jusqu'à rejoindre la taverne. Il s'y prit une bouteille avant de retourner auprès d'Eleonore et du démon. Il s'acquit ensuite de son chat à neuf queues, la bouteille penchée au bord de ses lèvres. 

Il la déposa là où il pouvait, posant ensuite le regard sur son captif. Les blessures qu'il avait étaient difficilement réparables, surtout pour un aussi jeune démon que lui. Sa survie et sa résistance pour un être aussi pitoyable que lui relevait presque du miracle. Le peu de régénération que lui avait accordé son infâme nature provoquait une vue étrange. Son corps était profondément dérangeant tout comme l'expression de son visage. Une fine peau le recouvrait par endroit, mais même son pouvoir de sang semblait perdu face à la situation, ne sachant plus comment agir. 

Aux yeux d'Haiko, il ne représentait plus rien. Ce n'était même plus une quelconque forme de vie à ce stade, ce n'était plus rien. Un rien qu'on aurait pu décrire par un amas informe de chair transpercée d'os par endroits. Une structure qui n'avait plus conscience de rien, le regard éteint. Sans s'annoncer, Haiko entreprit les premiers coups qui extirpèrent les premiers hurlements au démon. La valse continua fluidement, entaillant premièrement ses poumons de part en part. Il se déchiquetait, toujours un peu plus, à chaque seconde, à chaque coup reçu. Le magicien tournoyait sur lui-même tout en frappant, les lanières prenaient possession d'un large périmètre autour d'Haiko. Le choc du fouet claquait, produisant un délicieux son pour les oreilles du pourfendeur. C'était comme s'il dansait avec son arme, sans jamais se blesser. 

Certaines des griffes du chat se longèrent dans la gorge du misérable démon, faisant jaillir le sang abondamment. Le flux, en plus d'être abondant, s'échappait rapidement, recouvrant le corps du démon d'un rouge éclatant. Une flaque se forma au sol et le démon s'écroula avant même de perdre la tête. Le magicien s'arrêta net. « J'imagine que maintenant, on est fixé : un démon peut bel et bien mourir faute de sang ! Bien que maintenant que je le dis, ça fait sens. » Ce qu'il y avait de pratique avec les démons, c'étaient leurs corps disparaissant sans mal. Ils partaient comme s'ils n'avaient jamais été là. Bien que pratique, au fond, il trouvait cela un peu triste cependant, il ne savait guère expliquer ce sentiment. C'était un peu comme si on s'emparait de la proie d'un prédateur. 

Haiko avait le regard posé sur la scène. Il n'y avait même plus de sang, plus aucune trace du carnage s'étant déroulé en ces lieux. « J'ai oublié de compter... merde ! » Naturellement, son regard d'or se posa sur sa consœur. Elle semblait s'être amusée, son sourire se communiqua au magicien. La mise à mort avait été rapide, bien qu'Haiko l'avait mitraillé de coups, allant jusqu'à creuser l'échine du démon vers la fin. Une question naissait dans son esprit, se demandant qu'elle était la raison de sa venue au départ, mais il ne prit pas la peine de la poser. Si c'était réellement important, Eleonore allait bien aborder le sujet au bout d'un moment. Particulièrement, maintenant qu'ils n'avaient plus de distraction. Haiko s'étira une nouvelle fois et  dans un long bâillement, s'assit en tailleur, adossé contre la base d'un des piliers de son parcours aérien. Entre temps, il avait récupéré la bouteille d'alcool qu'il avait laissé dans un coin. Il en buvait calmement, de temps en temps.

monstres et compagnie • FT. Eleonore

C'était compliqué de ne plus penser au démon qui venait de s'éteindre sous ses yeux, s'évaporant dans un nuage cendré. Il voyait encore son sang recouvrir ses vêtements comme son corps. Les hurlements du malheureux sifflaient encore dans son esprit. Le magicien posa son regard sur ses bras, il y voyait des gouttelettes carmines. C'était étrange, le sang du démon ne devrait plus teinter sa peau. Machinalement, il essuya une des lâches qu'il avait, mais rien ne disparut. Étaient-elles réelles, au moins ? Il n'en était même pas certain. Il cligna des yeux et rien n'y changea, sa peau restait tachée d'un sang probablement irréel. 

« Avec eux on peut même voir un cœur vivant battre. » Il leva les yeux vers Eleonore, affichant un fin et long sourire. Il ne pouvait pas lui donner tort. Les démons pouvaient permettre de se déchaîner, de se laisser aller à ses idées les plus tordues et délirantes. Il suffisait juste d'être créatif. « Je reconnais n’avoir point tenu le compte également.  » Haiko en ricana. De toute façon, ce n'était pas important. Son captif avait péri rapidement, lâchant son dernier souffle au bout de quelques secondes, peut-être une dizaine ou une trentaine. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il n'avait pas tenu longtemps, mais rien d'étonnant avec ce qu'il avait infligé au démon les jours d'avant.

« J’admets très chère Jäger que je ne m’attendais pas à une si douce surprise à mon arrivée.  » Et heureusement pour lui, celle qui avait franchi les portes de son cirque partageait ce même plaisir de faire couler le sang des démons. « N'est-ce pas ? Et merci Dieu d'avoir fait en sorte que ça soit un être aussi dévoué que moi à la cause d'avoir franchi ses portes. Un tel accueil n'aurait sûrement pas plu à tout le monde. » Il était même certain qu'avec n'importe quel autre pourfendeur, cela en aurait été fini de lui. Du moins, ça aurait été compliqué à expliquer. Bien qu'il ne pouvait pas se fier à Eleonore en tant qu'alliée, il savait qu'elle pouvait le comprendre. Qui d'autre était mieux placé pour comprendre un psychopathe qu'un autre ? Haiko détestait devoir se justifier, que ce soit sur une cruauté qui était perçue comme gratuite et mal placée par ses compères ou sur les choix qu'il pouvait prendre. « C’est en entendant votre nom que j’ai désiré votre rencontre, ça et dû que vous n’être pas originaire du japon tout comme moi. Je me demandais comment vous avez fini par poser pied en ces terres. Mais aussi comment vous en êtes venus à croiser le fer avec les démons ? En ce qui me concerne rien de plus simple, j’ai pourchassé deux démons du nom de Fuhen et Rensei qui sont parvenu à m’échapper et qui désormais vive sur cet archipel en avez-vous entendu parler ?  » 

S'il devait lui expliquer tout son parcours, ça risquait d'être très long et honnêtement, Haiko n'en avait pas le courage. Elle allait avoir droit à un gros résumé, c'était ce qui semblait être la meilleure décision pour le magicien. Même Miyuki n'avait pas tous les éléments de son histoire, alors ce n'était sûrement pas sa consœur qui allait avoir droit aux moindres détails. « Fuhen, le nom ne m'est pas totalement inconnu. Je l'ai possiblement bien ouïe à droite à gauche, mais rien qui ne se soit révélé digne d'intérêt. » Il plaça ses mains derrière la tête, se penchant en arrière, la tête levée et le regard plongé sur son parcours aérien. Il était si haut... Haiko avait toujours des étoiles dans les yeux en le regardant. 

Il ne pouvait s'empêcher de replonger dans l'ambiance festive du cirque, la musique berçant les lieux, les applaudissements, l'alcool, les sifflements. Le magicien fouilla ses poches, en ressortant son kiseru, sa boite à tabac et ses allumettes. Avant de se lancer dans son histoire, il se préparait de quoi fumer, allumant son kiseru une fois prêt. « Sinon me concernant, je suis un hāfu d'un père japonais et d'une mère allemande. Un acrobate qui est venu se perdre jusqu'aux contrées japonaises avec sa troupe ! Un pourfendeur est arrivé, massacrant le démon et après, c'est moi qu'il a eu sur le dos ! Je voulais avoir des explications et je les ai obtenues. » Assez parler de lui. Il plongea son regard dans celui d'Eleonore, étrangement le sien semblait plus animé de vie.

« Et toi ? J'imagine que tu n'es pas devenue pourfendeur pour protéger la veuve et l'orphelin. Serait-ce uniquement pour faire couler le sang ? Et si c'est cela, pourquoi ne pas avoir jeté son dévolu sur de simples civils ? Fuhen n'est quand même pas la seule raison pour laquelle tu as rejoint l'Ordre ? » Le cirque, étant au sous-sol, était systématiquement plongé dans une maigre pénombre. Haiko ne put s'empêcher de penser à l'extérieur, voir la lumière du jour pourrait lui être bénéfique. Il ne se voyait pas rester ici. Les lieux lui devenaient trop sinistres. « Faut que je sorte d'ici, sinon, moi aussi, je vais devenir une créature de la nuit. » Le magicien se redressa, se dirigeant vers les escaliers. Il prit de l'avance sur Eleonore, rejoignant l'extérieur avant elle. Les rues de Kyoto étaient pleines de vie comme toujours, Haiko affichait un large sourire. Après avoir été plongé dans l'obscurité si longtemps, il avait la sensation de renaître.

monstres et compagnie • FT. Eleonore

« Même en étant un simple humain vous êtes parvenu à obliger un pourfendeur à vous donner des explications. Vous détermination force le respect. » Peut-être aurait-il dû s'abstenir. Même si en réfléchissant, il aurait même peut-être dû ne jamais aller au Japon. Certes, il n'aurait sûrement pas connu la femme ayant fait son plus grand bonheur, mais celui-ci avait été si éphémère qu'il se demandait de temps en temps si ne pas le connaître ne serait pas préférable. 

« Merci. D'ailleurs, je me souviens que c'était grâce au chat à neuf queues classique. Cette nuit-là, ça m'avait bien aidé de l'avoir avec moi ! Ma folie à faire des tours avec toutes sortes d'armes m'avait procuré un petit avantage. » Suite à cela, Eleonore entreprit le récit de son histoire. « Fuhen est la cause de ma venue au Japon, mais concernant mon entrée dans l’ordre des pourfendeurs, il n’en a rien. En réalité, une nuit je suis partie m’amuser dans les bois et j’ai rencontré un démon. À douze ans, c’était la première fois que je rencontrais un genre de prédateur qui me ressemblait. Il devait être aussi pathétique que celui avec lequel on s’est amusé. C’est là qu’un pourfendeur de France m’a repéré. Vu le regard qu’il me portait j’ai crus qu’il allait me pourfendeur au vu du plaisir que j’ai eu à massacrer ce démon. Sauf qu’il m’a raccompagné chez moi pour convaincre mon père de me laisser partir avec lui. » Ça faisait donc un bail qu'elle servait la cause. À côté, Haiko était longtemps resté loin de cet univers. Il se demandait si d'autres choix auraient pu l'emmener sur un autre chemin, plus lumineux de celui qu'il avait choisi. 

Des fois, ça lui arrivait de se refaire l'histoire de toutes ses tragédies. Il se demandait si d'autres choix auraient pu l'emmener sur un autre chemin, plus lumineux de celui qu'il avait choisi. Il savait pertinemment qu'il ne pouvait revenir en arrière, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Particulièrement, lorsqu'il était seul au cirque, allongé sur la scène avec les trapèzes le surplombant. Se retrouver seul, avec lui-même et ses pensées, c'était sans doute ce qui le terrifiait le plus. Bien qu'il n'était pas apprécié de bon nombre, les autres lui permettait d'échapper à son esprit. Seul, c'était une autre paire de manche. Haiko ne manqua pas de remarquer que sa consœur évitait le soleil comme la peste. Tout le contraire du magicien qui se plaisait à baigner dans les lueurs ocres. 48 heures sans voir la lumière du soleil, c'était trop et cela même pour lui. 

« Ce qui les motiva à me recruter, c’est justement mon tempérament proche des démons. Il souhaitait avoir un monstre pour en tuer d’autres. Ce qui les réussit, même si beaucoup espéraient qu’un jour je ne revienne pas. D’ailleurs, pourquoi m’en prendre au civil ? Si j’empêche ma soif de sang et larme sur les humains, on mènera une enquête et on pourrait finir par me traquer. Alors que les démons quoique je leur fasse personne ne viendra me reprocher de les avoir tués ou d’avoir pris mon temps pour les éliminer. Du moment que le travail est bien fait, qui viendra me reprocher quoi que ce soit ? » Tout devenait plus clair avec ses explications. 

« Parce qu'ils sont la solution de facilité. Tu dis cela simplement parce que tu n'as pas appris à faire disparaître des corps. De toute façon, ce n'est même pas toujours nécessaire. Dès que tu fais un carnage, ce sont les démons qui prennent à ta place ! Y'a pas à dire, ces vermines ont bon dos ! Les massacres de grande ampleur sont toujours attribués aux démons. Les massacres de grande ampleur sont toujours attribués aux démons. Lorsque le crime est trop atroce, on oublie vite que la cruauté peut également gangrener le cœur des Hommes. » Haiko était un putain de venin, autant pour les autres que pour lui-même. Il avait toujours aimé jouer le rôle du serpent tentateur. Après une courte pause, il reprit la parole afin de développer ses pensées. « Ce qu'il y a de compliqué, c'est de reconnaître les erreurs passées, pas de punir. Alors, concernant un pourfendeur ? Encore moins ! Un titre fait beaucoup, on a toujours du mal à condamner des monstres incarnant la justice. Ce qu'il y a de compliqué, c'est de reconnaître les erreurs passées, pas de punir. La réputation de l'Ordre serait ternie si de tels événements seraient révélés à la population. » 

Lui-même n'était pas certain de ce qu'il avançait. La lumière du soleil le réveillait quelque peu, mais ce n'était que peu utile pour éclaircir son esprit embrumé. Ces temps-ci, il avait parfois la sensation d'être sale et indigne, c'était un sentiment fort étrange qui l'habitait. Il avait pris le soin de s'exprimer en japonais afin d'attirer l'attention et ça fonctionnait ! Peut-être devrait-il se calmer... Il y pensait, mais avant ça, il allait attendre afin d'avoir une idée sur la tournure des prochains événements. « Mais bon, n'oublie pas que ces paroles viennent d'un gars complètement claqué. J'ai sûrement plus l'esprit très clair ! Enfin, tant mieux si les démons te suffisent ! Je suis heureux pour toi. » Il n'en avait pourtant pas l'air, principalement parce qu'il était pensif. 

« Je suis curieuse d’où vient cette rage, cette dévotion à torturer ce démon ? À titre de comparaison, jamais je n’aurais tenu aussi longtemps sans prendre de pause, juste pour me détendre. » Son sourire s'allongea jusqu'à ses oreilles. Eleonore s'attendait probablement à une réponse sérieuse de la part du magicien, mais elle venait de lui tendre une perche et Haiko ne comptait guère laisser filer cette si belle occasion. « J'aime quand c'est long, rude et éprouvant ! » Il avait pris le soin de s'exprimer en japonais afin d'attirer l'attention et ça fonctionnait ! Plusieurs regards curieux s'adressèrent au magicien, on y percevait du dégoût ainsi que beaucoup de jugement. Lui, il était fier, si fier de son humour claqué au sol ! Il ne s'en laisserait jamais ! 

Ça le faisait beaucoup trop rire. L'intonation qu'il avait mise dans sa voix imitait parfaitement la façon dont s'exprimait les femmes japonaises. Intentionnellement, il avait parlé bien plus fort. Le magicien recherchait du regard les civils qui oseraient le dévisager, tout en maintenant son large sourire. « Et j'invite quiconque se sentant capable de me combler à me rejoindre au cirque pour la nuit ! » C'était tout simplement plus fort que lui, il fallait toujours qu'il en rajoute une couche. 

Il essayait de ne pas céder au rire, mais tous ces regards se posant sur lui, ce dégoût, ce jugement et toutes les autres émotions qu'il éveillait en ces inconnus avec de simples paroles, c'était hilarant ! Les Japonais étaient bien prudes à son goût. Généralement, il leur fallait toujours un peu d'alcool pour se lâcher, même s'il existait toujours des exceptions. Parmi les civils, quelques-uns ricanaient dans leur barbe et Haiko les repéra rapidement. En les voyant, un sourire narquois se forma sur son visage, il les connaissait bien. Cette bande de guignols n'étaient autre que des habitués du cirque, alors le magicien laissa couler, ne prenant pas la peine de les calculer plus que ça. Ils n'étaient rien de plus qu'une bande de soûlards à la langue bien trop pendue.

monstres et compagnie • FT. Eleonore

« Prenez garde Jäger sur le chemin que vous emprunter là question n’est pas si vous serez pourchassé par l’ordre des pourfendeurs afin qu’elle se préserve, mais quand.  » Le pire était peut-être de penser qu'elle avait probablement raison. Haiko s'attendait à un retour de karma avec toutes les conneries qu'il accumulait ces temps-ci. 

Il avait des périodes comme ça, il allait mal alors il déconnait. Même lui, lorsqu'il se montrait plus lucide, pouvait le reconnaître. « Une chose est sûre, c'est que je n'attends pas ce jour avec hâte ! » Perdre le cirque était une pensée plus que douloureuse et se mettre l'ordre à dos, c'était l'équivalent de tout perdre. Il en avait parfaitement conscience. « C’est possiblement votre esprit qui n’a plus la force de jouer un rôle que vous n’êtes pas.  » Le magicien lui sourit, visiblement peu convaincu par ses paroles. Il n'avait pas l'impression de jouer un rôle, avec les démons, il pouvait être lui-même. Bien que ça ne devrait théoriquement pas l'en réjouir. 

« Pourtant, je pense être moi. » Dit-il avec son éternel sourire narquois. « Si vous ne souhaitiez pas répondre, il vous suffisait de le dire. » Sur le coup, Haiko ne comprit pas sa réaction. Elle venait de perdre son sourire. La lueur de ses iris laissait deviner un certain agacement qu'Haiko avait du mal à comprendre. Pourquoi est-ce qu'elle prenait cette plaisanterie aussi mal ? C'était quoi son problème ? Le magicien ne voulait même pas chercher à comprendre, la susceptibilité de cette femme n'étant pas son problème. Au fond, il était même un peu contrarié. 

« Vous n’allez quand même pas me dire que vous leur avez sérieusement proposé de torturer des démons avec vous ? » Wow. Il ne s'attendait pas à un tel quiproquo. Pensait-elle réellement qu'il venait de crier ça à la foule ? Comme si son donjon était aussi populaire qu'une maison de jeu et que tout le monde payait pour torturer du démon, au calme ?! Vu son attitude des plus sérieuse, il ne suffit que d'un regard au magicien pour en avoir la confirmation. Elle avait réellement l'air de penser ça ! Haiko n'en revenait pas. Pourtant, tous les autres avaient compris. Ce n'était pas possible que ça soit lui qui n'ait pas été clair dans ses propos ! 

Il réfléchissait, mais ne voyait nulle erreur dans la démarche qu'il avait eue pour faire sa blague. Pourtant, une femme de l'âge d'Eleonore devrait avoir compris. Ce n'était pas comme s'il avait fait dans la subtilité quand même ! Seul un enfant n'aurait peut-être pas pu comprendre... et encore. « Bah, ouais ! Tu crois quoi ? Évidemment que tout le monde est au courant. Ils payent même, généralement ! Le business avant tout. » Il l'avait dit des plus sérieusement possible, souhaitant plus que tout au monde la voir croire à ses couleuvres. Il se foutait ouvertement de sa gueule, l'occasion n'étant que trop belle. Il était également repassé à l'allemand pour s'exprimer. 

« Pourquoi certains ont ri à vos propos alors que la majorité on eut l’air dégoûté ? » S'il pouvait encore avoir un doute avant, maintenant, ils étaient définitivement anéantis. Eleonore ne lui faisait pas de cruelle blague en faisant mine de ne rien comprendre, c'était simplement le cas. Le magicien leva les yeux au ciel, mais il avait un sourire amusé au coin de ses lèvres. Cela dénotait avec son attitude lassée. Au fond, il fallait avouer que cela l'amusait. Cette naïveté était hilarante, bien qu'il y avait également une certaine innocence dedans.

« Non, mais sérieusement ? Tu ne comprends vraiment pas ? Eux, ils n'ont aucun contexte. La seule information qu'ils ont eue, c'est que “ j'aime quand c'est long, rude et éprouvant. ” En d'autres termes, l'invitation, dans leur esprit, n'était pas de torturer un démon, mais de coucher avec moi. C'est plus clair, maintenant ?  » Il avait été concis. Maintenant, elle devait avoir compris. Haiko s'était montré des plus limpides avec elle. Il lui aurait bien proposé de lui expliquer en quoi cela était drôle, mais elle risquait de répondre par l'affirmative à cette proposition. 

« Le cirque que vous avez lancé des représentations pour avoir un passe-temps ou la raison est tout autre ? » Cette fois-ci, Haiko ne plaisanta pas, reprenant une attitude un peu plus sérieuse. « C'est ce qui me permet de me vider la tête quand je rentre d'une longue et pénible mission. Certains me voient davantage comme un acrobate qu'un pourfendeur et cela, malgré mon grade de pilier. Après, je peux comprendre ce point de vue. Il est vrai qu'au niveau plaisir, je préfère le cirque, mais en même temps les lieux sont toujours festifs. Il y a de quoi craquer ! » À gérer un cirque, faire la fête représentait une grande partie de sa vie. Ainsi, il nourrissait ses vices ainsi que ses envies d'alcool. Malgré ça, Haiko savait se compléter dans la chasse aux démons. Il ne se voyait pas arrêter, que ça soit le cirque ou la chasse.

monstres et compagnie • FT. Eleonore

« Cela a donc un lien avec le sexe ? Je n’ai personnellement jamais éprouvé le moindre désir de près ou de loin ni même jamais nourris la moindre curiosité à ce sujet. Donc je ne vous demanderai pas plus de détail au risque de m’encombrer avec des connaissances futiles. » 

Elle semblait parler sérieusement, du moins, c'est ce qu'il espérait. Inventer un tel mensonge simplement pour s'assurer de ne pas être approchée, c'était d'une rare cruauté. Au moins, ça avait le mérite d'amuser le magicien, même s'il n'en avait pas l'air. Il n'empêche que ne pas s'informer simplement parce qu'elle n'était guère intéressée, il trouvait cela ridicule. Enfin, Eleonore avait déjà probablement vu des clébards s'accoupler en rue, Haiko ne comptait pas jouer les professeurs. Elle n'avait nul besoin de l'avertir là-dessus. « Je ne comptais pas développer, ne t'en fais pas. » Il en ricana avant qu'Eleonore ne le coupe avec une autre de ses questions. 

« Qui dit cirque dit troupe n’est-ce pas ? Où sont les autres artistes ? A moins, qu’il s’agisse toujours de représentant itinérant ? » En hochant la tête vers la droite, le magicien répondit sans grand sérieux. « C'est cela. On est habitué à certaines têtes, mais les nouvelles sont toujours les bienvenues. Pour le moment, je n'ai pas vraiment de réelle troupe. Mes derniers gars ont péri sous les flammes lorsque le cirque a brûlé, paix à leurs âmes ! » Il fit un signe de croix à sa dernière phrase, dissimulant sa tristesse derrière un sourire narquois et une attitude légère. Sa peine était tout simplement imperceptible, pourtant elle existait bel et bien, rongeant toujours quelque peu son cœur. Cependant, ce n'était rien encore comparé à la douleur qui le submergeait lorsqu'il évoquait sa fille. Cela faisait combien de temps qu'il n'avait plus prononcé son nom ? Des années. De temps en temps, il avait souhaité l'oublier. 

Ses souvenirs autrefois heureux avaient pris une teinte carmine accompagnée d'une saveur de mélancolie. Ce qui lui était parfaitement insupportable. À côté, la perte de sa troupe ne représentait qu'un minuscule fragment de son cœur dans une multitude d'autres. « Dite-moi cette manie de répondre systématique ou presque par la plaisanterie à partir de l’instant ou la question vous dérange. Serait-ce votre manière de fuir quelque chose ? » Face à cette question, il jouait une innocente incompréhension. 

« Non, du tout. » Comme s'il allait lui ouvrir son cœur, plutôt crever. Il savait parfaitement qu'elle ne valait pas mieux que lui dans la capacité d'empathie et elle savait qu'il savait. Eleonore rêvait éveillée pour espérer qu'Haiko s'ouvre aussi facilement à elle. Surtout que, le concernant, il n'avait pas plus d'informations que ça sur le pilier de la lumière. Après, il fallait avouer qu'il n'était plus trop bavard après 48 heures à flageller un nouveau-né. Même s'il n'était pas contraire à la connaître davantage, aucune question ne lui venait. 

Alors, autant développer à son propos. Même s'il fallait mentir. De toute façon, ce n'était pas comme s'il n'était pas déjà habitué. Haiko mentait autant qu'un arracheur de dents. La vérité, il ne la disait que lorsqu'elle l'arrangeait bien. « Je plaisante systématiquement, et même lorsque j'ai l'air de plaisanter, il m'arrive de parler sérieusement, malgré une attitude qui prouverait le contraire. Ou peut-être est-ce les autres qui, à force de me voir plaisanter, finissent par ne plus remarquer quand je suis sérieux... Va savoir. » Il pensait à rebondir sur son manque de désir, mais elle paraissait si froide en parlant de cela, qu'il hésitait. Il n'y avait surtout rien d'autre à ajouter concernant ce sujet. Le magicien leva les yeux au ciel, l'air pensif. 

« C'est quoi le pire que t'ai infligé à quelqu'un ? C'était l'aigle de sang comme avec le démon ? » Lorsqu'il disait “ quelqu'un, ” il parlait d'autant de démons que d'humains. Évidemment et au vu de la question, l'allemand lui était revenu. Enfaîte, il n'était passé qu'au Japonais que pour sa blague, reprenant le reste de la discussion dans sa langue maternelle. S'il avait tout deux un brin de folie, autant parler de ça.

monstres et compagnie • FT. Eleonore

« On peut le dire vous avez le sens des affaires, mais ne serait pas t-il plus rentable d’avoir de véritable professionnel pour l’animation ? À moins que vous refusiez d’être attaché à de nouvelle personne sous peine de les perdre. Enfin à vous entendre, je n’ai point la sensation qu’ils soient la source de votre motivation. » En hochant la tête, il répondit. « Pas spécialement, mais j'ai quand même passé une grande partie de ma vie avec eux. Une troupe, c'est un peu comme une seconde famille. » Dans son cas, c'était même la seule véritable famille qu'il avait eue. Il se souvenait à peine du visage de sa mère, par contre, il se souvenait des nombreuses blessures qu'elle avait sur le corps. 

Enfant, cela l'avait marqué. Elles étaient si profondes qu'il avait dû apprendre très jeune à recoudre ses mutilations. Il se souvenait de sa main tremblante en tenant l'aiguille liée au fil, s'apaisant peu à peu en ressentant le toucher de sa mère. Étonnamment, même s'il avait été abandonné, il ne l'avait jamais détesté pour cela. Inconsciemment, il savait très bien qu'elle n'aurait jamais pu agir autrement. 

Tout ce qu'elle souhaitait, c'était de le protéger de ses clients. Comment lui en vouloir ? Jamais elle n'aurait pu imaginer qu'elle l'envoyait en enfer. Bien qu'il avait accepté cet événement, cela avait dû l'affecter dans son développement. « Cela signifie que savoir lorsque vous êtes sérieux ou non-relève d’un défi de tous les instants. » Il en ricana, parce qu'elle avait raison. C'était bien résumé ! 

« J’admets que je n’ai pas fait grand-chose de pire que l’aigle de sang. Où peut être que si, il y a un démon que j’ai attaché et qu’il l’est encore dans une grotte. Les bras suspendus partent de solide chaîne en nichirin, j’ai testé tout ça pour être certaine qu’il ne puisse s’enfuir ou être découvert. Ce démon à l’heure actuelle à des gouttes d’eau qui lui tombe à un rythme régulier sur la tête. Cela n’est rien au début. Mais à la longue, chaque goutte résonne comme le tonnerre. Si vous pouviez l’entendre hurler à la mort à chaque goutte d’eau tombant sur son crâne. Actuellement, je me demande si même détaché s’il aurait la force de juste tenir debout. Sinon pour les humains je me suis déjà amusé à arracher les dents une part une à une à un brigand qui eut l’audace de vouloir me dépouiller. Je lui ai ensuite coupé les mains avant de les cuirs et de lui forcer à les manger. » 

Le supplice de la goutte l'inspirait bien. Même s'il préférait infliger des douleurs plus graphiques que celle utilisée par Eleonore. Par contre, sa deuxième histoire rehaussait le niveau du gore et ce n'était pas pour lui déplaire. Il eut un fin sourire en l'entendant parler, écoutant attentivement, avec curiosité. « Pensiez-vous à encore pire Haiko ? Avez-vous fait plus inspirer pour vos victimes ? » Est-ce qu'il avait déjà fait pire ? Il n'en savait trop rien. Hiérarchiser la douleur de son prochain lorsque nous jouons le rôle de bourreau, c'était plus compliqué qu'être la victime des sévices subis. Néanmoins, il avait une affection toute particulière lorsque la torture prenait une ampleur psychologique. 

Comme le fait de forcer un homme à manger un peu de lui-même. Le magicien trouvait l'idée merveilleusement plaisante. « Mmh... Laisse-moi réfléchir. » Il avait un air pensif, se replongeant dans de sanglants souvenirs. « Je pense que le plus horrible ne sait pas fait sur des démons. Le pire a été au Saint Empire Germanique, je travaillais pour des types : débarrasser les corps après les règlements de comptes, tuer, débarrasser un secteur de l'ennemi... Enfin, tout ce genre de trucs, tu vois. Une fois, un type s'est attaqué à l'enfant d'un des gars de la bande et il n'aurait pas dû. On l'a dépecé à différents endroits, jetant du sel ainsi que d'autres saloperies sur ses plaies béantes. Il a commencé à se gangrener de partout, crevant à petit feu. T'imagines pas à quel point il puait ! Je sais vraiment pas ce qui m'a le plus marqué entre son odeur et l'état de son corps... » 

« Dite moi magicien, avez-vous étés marié avez-vous eu des enfants ? » Il ne s'y attendait pas à celle-là, mais qu'importe, c'était facile de mentir. Du moins, lorsqu'il n'y avait pas d'enjeu. Haiko savait bien qu'elle serait à la recherche du moindre signe le trahissant, il savait que chaque tic serait noté dans son esprit. Il étouffait le léger stress qu'elle venait d'éveiller en lui. Déjà, il allait gagner du temps. « Ooh alors comme ça, ma situation conjugale t'intéresse ? Excuse-moi, mais si j'ai une femme, j'aimerais au moins qu'elle éprouve un minimum de désir pour moi. » 

Il en ricanait, s'approchant d'une fontaine pour se rincer le visage. Mêlée à son maquillage, l'eau se devenait plus trouble et, avec ses mains, il la projetait au sol.  « Et plus sérieusement, j'ai eu une femme. On a essayé d'avoir un enfant ensemble, mais ça n'a pas marché. Elle était acrobate, comme moi. Faut dire que je l'ai un peu - beaucoup - poussée. » Il fit une brève pause avant de continuer. « Et... elle a été tuée par un démon. » 

Dans ce qu'il disait, il y avait un peu de vérité, un peu de mensonge. Haiko savait parfaitement qu'il ne pouvait pas se prétendre célibataire, ça ne prendrait pas. Son époque ainsi que la culture du pays, faisaient qu'il était parfaitement impossible de croiser un célibataire de la trentaine qui n'avait jamais eu de femmes. Dans ce contexte, dire que nous n'avions pas vécu revenait au même. « Voilà le drame de ma vie qui, il faut se l'avouer, est un grand classique chez les pourfendeurs ! » Il en ricana. « Bien que j'aurais préféré ne pas aborder le sujet. »

monstres et compagnie • FT. Eleonore

« Une femme avec qui vous avez essayé d’avoir un enfant ? Au départ, je ne pensais que vous auriez pu avoir un mariage tenant plus d’une année sans que le tourment n’étreinte cette dernière, mais visible ce n’est pas le cas. Il a juste fallu que ce soit un démon qui signe votre séparation. » Haiko ne put s'empêcher d'en rire, lui répondant ensuite par une question toute simple, mais sincère. « J'ai vraiment l'air si horrible que ça en tant que mari ? » C'était avec les démons qu'il était violent, pas avec les femmes. Bien que ça, apparemment, ce n'était pas si évident à remarquer. Le magicien avait bien conscience de ce qu'il pouvait dégager et ce n'était pas toujours des plus plaisant, il fallait se l'avouer. « J’imagine que vous arrivez encore à ressentir de la peine. »

« Mh. » Il ne préférait pas répondre, ne se pensant pas réellement crédible s'il prétendait le contraire. « Dans mon cas, il n’y a aucune illusion à se faire. Je resterais célibataire à vie. Peut-être devrais-je me forcer à trouver un homme pour avoir des enfants avec lui. Il faut encore en voir l’intérêt. Je suis déjà le sujet de bien des regards, des regards de mépris, dégoutte, visualiser comme un monstre de foire. » 

Si elle était déjà traitée comme une paria, ce n'était pas un homme qui allait pouvoir redorer son image. Tout ce qu'elle pourrait apporter à un potentiel époux serait le mépris de la population, afin d'être rejetés, mais à deux. Autant dire que ce n'était pas très vendeur. Sa première suspicion étant la bonne, sans nuls doutes ! « Bonne chance ! Je ne crains que la plupart t'envoie paître. Peu d'hommes pourraient se sentir à l'aise à l'idée d'être avec une femme plus grande et forte qu'eux. » 

Est-ce qu'Haiko connaissait plus grand que lui ? Oui, certains démons l'étaient, mais concernant les hommes, c'était une autre histoire... Le magicien ne pensait pas se souvenir d'avoir croisé un civil le surpassant, la plupart des Japonais étant plus petits. Être avec une femme davantage semblable à un bodybuilder, il y avait largement de quoi en rebuter plus d'un ! « Même s'il se produit un miracle, tu finirais pas tuer ta descendance. Les bébés sont bien trop bruyants... » Avait-il continué, un sourire amusé accroché à la gueule. 

Il ne lui était pas difficile de deviner qu'Eleonore avec des enfants, qu'ils soient les siens ou non, cela se finirait en un bain de sang. Enfin, quoique... Peut-être pourrait-il être surpris ? Personne n'avait pensé Haiko capable d'élever un enfant et finalement, ils avaient raison. Bien qu'il avait échoué dans son rôle de père, au moins il avait pu combler sa fille d'amour.

« Pour être honnête, je crois être davantage surpris que vous n’ayez pas plus de femmes que cela. J’aurais pensé du genre à remplacer les épouses une fois la précédente cassé. Remarque il faut juste éviter d’en changer trop souvent. » Il était surtout le genre à se réveiller chez des inconnus, dans des lieux festifs, en rue et, de temps en temps, au cirque. Il buvait, faisait la fête et lorsqu'il s'envoyait en l'air, c'était bien souvent lorsqu'il avait plus d'alcool dans les veines que de sang. « Nan, ce n'est pas mon genre. Je ne nie pas ne m'être jamais réveillé aux côtés d'une autre personne, mais de là à dire que c'est chose commune... Vraiment pas ! » Il en parlait, complètement décomplexé par le sujet. Le magicien ne ressentait aucune honte à en parler, parce que selon lui, se respecter était un conseil que tous devaient respecter. Les hommes couchant à droite à gauche ne valaient pas mieux que les prostituées. Ils les voyaient comme faciles et ce n'était en rien un compliment. « Je suis plus sage que j'en ai l'air ! » 

Il en ricana. « Au moins, ça me conforte sur une chose avoir une histoire à raconté pour expliqué mon recrutement. En revanche, je dois rester une des rares pourfendeuses à ne pas avoir eu le moindre drame qui alimente mon désir de chasser les démons. » À y réfléchir, Eleonore était peut-être même la seule qu'il connaissait cochant cette case. « C'est plutôt une bonne chose. » Il se demandait à quoi pouvait ressembler un pays dirigé par les démons. Est-ce que ça se rapprocherait de la vision qu'on les hommes de l'enfer ? Peut-être. « T'as déjà imaginé perdre cette guerre ? Les événements qui se dérouleraient suite à une victoire seraient faciles à imaginer, mais concernant une défaite... mh ? Est-ce que cela ressemblerait à l'enfer, au chaos ou est-ce qu'étonnement, ils pourraient vite apprendre à gérer le pouvoir sans que ça ne soit un carnage de désorganisation ? Je me demande aussi si je suis le seul à imaginer cela... » Il avait l'air pensif, les yeux perdus sur le somptueux décor des rues japonaises.

monstres et compagnie • FT. Eleonore

« Honnêtement, j’ignore comment une vie de couple se vit et comment le comportement change une fois dedans donc je passerais mon tour, car au fond tout ne serait qu’hypothèse. » Le magicien se contenta d'un sourire comme réponse. Tout le monde n'était pas fait pour suivre aveuglément les chemins tout tracés de la société : femme, enfant, mariage.

« Je ne vous contredirai pas le cri des enfants à quelque chose d’agaçant. » Il en riacana avant de poursuivre, répondant sans une once d'hésitation. « À taper aux murs ça, j'te jure ! » La faim commençait à lui tirailler le ventre. Alors, naturellement, en parcourant les devantures des échoppes sur la route, il s'empara d'une pomme.

« Une bonne chose ? Comment ça ? » Il arca un sourcil à l'écoute de sa question, répondant simplement. « Celle de ne pas être peiné d'un quelconque drame. » La tristesse, le deuil étaient un lourd fardeau à porter. Il était bien placé pour savoir à quel point cela pouvait s'avérer destructeur, autant pour l'âme que pour le corps. Haiko se craignait davantage qu'il ne craignait les démons. Il était devenu son propre monstre, ce qu'il trouvait réconfortant, dans un certain sens.

« Si vous êtes le seul ? Je ne crois pas il y a forcément d’autre qui ont pensé sans trop oser y songer. Faisant tout pour que cela n’arrive pas. Me concernant si cela devait arriver… » Ensuite, Eleonore entreprit de lui expliquer comment est-ce qu'elle imaginait un tel monde, régit par les démons. Elle ne se voyait pas comme une proie, mais peut-être était-ce de l'inconscience ? Après tout, jamais il ne s'était battu à ses côtés. Il n'avait aucune idée du tempérament qu'elle adoptait lors de batailles. Fonçait-elle sans réfléchir, droit vers le danger ? Aux yeux du pilier, l'idée d'être seule contre le monde semblait presque la réjouir, faisant sourire le magicien. « Et vous quel serait le meilleur des mondes si les démons venaient à régner en ayant vaincu l’ordre des pourfendeurs ? »

Haiko prit un court instant avant de répondre, réfléchissant à la question. Il essayait de s'imaginer la sombre ambiance d'un tel monde, de tout ce que cela pouvait impliquer. « Être de leurs me suffirait. » En hochant la tête sur le côté, il poursuivit. « Rester humain dans un tel contexte, c'est rester esclave. Autant dire que ce n'est pas pour moi. Dans une telle situation, le suicide serait la seule échappatoire que je pourrais encore percevoir. Enfin, dans l'hypothèse où les démons ne voudraient guère de moi. » Un sourire fendu ses lèvres. « Plutôt crever qu'être soumis a leurs perverses lubies. » Finalement, il croqua dans la pomme, prise un peu plus tôt.